Le Kanmougwé

Kanmougé ou Kamougé

Pépite d'or« AGO ! … Antré ! »
Introduit par un «  Ago ! » retentissant, le rythme du Kamougé passionne pour son originalité. En effet, le Kanmougé est certainement le rythme ayant conservé le plus son authenticité africaine en raison, notamment, de l'usage d'un tambour spécifique: le « Yongwé ».

Prononciation

- Kamougé est l'usage à Cayenne et ses environs. C'est aussi le terme souvent utilisé quand on parle de ce rythme en français. Rappelons qu'en créole « gé » se prononce « gué ».
- Kanmougé est la prononciation écrite la plus ancienne qui nous est parvenue (voir Atipa plus bas). C'est la prononciation courante dans les vallées des fleuves Approuague et Oyapock.
- Kanmougwé est prisé par les puristes de la langue créole peut-être en raison de sa nasalisation typique de l'ancien créole guyanais. Cette prononciation a l'avantage de s'approché du terme « Yongwé » qui est le nom des tambours de ce rythme et enlève toute ambiguïté sur la prononciation du dernier syllabe de ce mot.

Nous favorisons ici le terme Kanmougé pour garder la prononciation littéraire instauré dans « Atipa » tout en ayant une sensibilité pour Kanmougwé.

Origines du Kanmougé

Tambour CongoIl faut distinguer l'origine étymologique de l'origine du rythme.

Le terme « Kamougué » est utilisé dans certaines régions d’Afrique. En effet, des personnalités politiques Africaines contemporaines portent ce nom comme « Kamougué Diatta » au Sénégal, ou « Éric Kamougué » homme politique du Tchad, fils de « Wadel (Vidal) Abdelkader Kamougué ». Au regard de ces éléments « Kamougué » serait un nom propre. Cependant, les noms propres ont souvent une signification.
Que veut donc dire « Kamougué » ? Dites-le nous si vous le savez.

Pour ce qui est du rythme il pourrait-être d'origine Bantu (Bantou).
Le rythme est composé de deux sons, un grave et un aigu, le tout rythmé par un « Tibwa ». Le son aigu est répétitif et correspond à l'onomatopée « Pelekete » (Pélékété), tandis que le grave fait des phrasés du genre « Pakundung » (Pakoundoung) ; ces deux sonorités sont la base de l’écriture « Mandombe ».
Des Congolais, et autres, arrachés de leurs villages et mis en esclavage dans l’Est de la Guyane (Approuague et Oyapock) conservèrent le rythme qui resta jusqu’à ce jour dans le Kanmougé guyanais.

Photo: Musée de la Castre (Cannes). Tambour République du Congo / Afrique


Au temps où les racines de la culture créole guyanaise se formaient

Approugue AuroreLe Kanmougwé ouvre un champ d'études sur la période formatrice de la culture dite « créole » des premiers Africains devenant Guyanais. Le rythme, les instruments, le mode de jeu musicale et des chants ont été conservé tel qu’à l’origine. Le Kamougé guyanais semble être le résultat d’une combinaison de plusieurs cultures de langues Bantu du XVI siècle. En effet, n’oublions pas que les tribus et les familles ont été divisées et mélangé lors de la traite. Conséquence ? Une culture endogène Afro-Guyanaise unique qui sera apellée : créole.

Photo: Rive d'Approuague au matin


Alfred Parépou en parle dans « Atipa »

Alfred ParepouLe mot originalement orthographié « canmougué » apparaît dans le livre « Atipa » de Pierre Félix Athénodor Météran, alias « Alfred Parépou », premier roman en créole guyanais, datant de 1885.
Voici un extrait avec l'orthographe créole actuel :

(p.66) « Mé pariabrava, yé ka doumandé li, an Frans. Zozo ranpayé, papiyon ; yé ka doumandé tousa. Dipi Cònidet ké Bataille mouri, moun yé-la pou ka okyoupé di sa ankò. Saint-Pré, Lomba, yé pankò mouri, poukisa yé fika, sanblé yé pédi la kanmougé ? »

D'autres extraits et chants Kanmougé :

(p.109)
« - Lò nou ka désann, nou kontré ké oun kannon, la Piti So. So nèg yé la koumansé chanté, pou fè nou wè :

Layso o ! Layso o !
Layso, mo kouzin, layso
Manman.

Yé trouvé li pa asé, yé bay ankò ounòt :

Sou mo do, mo bosko, gro bwa
Sou mo do, mo ka bosko, gro bwa. »

(p.185)
« - Oun jou, mo wè oun nòs, ké kannon ka fè lamous. Kannon lamaryé la, té gen oun gran pon makari. Landan li, yé té ka chanté sa chanté la :

Piti kannòt najé pou mo wè to,
Najé, najé kannòt najé.
Piti kannòt, to pa savé najé,
Najé, najé kannòt najé.
Joli kannòt dansé, pou yé wè to,
Najé, najé kannòt najé.
Piti kannòt kouri pou nou rivé,
Najé, najé kannòt najé. »

(Voir le chant en entier ici)
(p.188,189)

« - Oun jou, la krik Gabrielle, apré oun gran mayouri konsa, nou drésé oun kanmougé, la Kouroai la ; konpè ! La dékoup, li vini cho, ou wa di sa té dansé nou té préparé. Marengwen té ka tonbé, kou lafimen ; a té ké kach-kach wara, nou té ka fè la boukann.
Oun nèg bwè so bwè, li antré, landan dansé la, ké oun bitan, drèt kou sa di Tricòlò konsa ; li koumansé chanté :

Gadé kouman mo sou,
Avou gnengnen,
Wi mo bwè, mo bwè,
Avou gnengnen. »

(p.190)
« - Nou roukoumansé dansé, ké sa chanté la :

Piti poson salé
Gélenngé salé
Piti poson roti
Gélenngé salé. »
(p.196)
« - Oun jou, mo vini la ké oun sosyété yé té k’aplé Dépalan. Yé tout té gen oun gro kravat madras, yé té k’aplé : kravat balata. Jou la, bèt té ka tonbé ; yé pran moustoukè anglè. Lò to tandé konsa, a pou dansé tout lannwit, san dronmi.
Sa fwè la, nou dansé kanmougé plen nou vant. A la mo wè madanm blanng, maré yé kanmza, dansé gonman ; mo ka asouré to, yé ka piké kanmougé la ben (byen) menm. »

(p.223)
« - Mo alé wè dansé, Korosoni ; la Trou Poson laba. Mé chanté mo tandé chanté:
Randé, Gnongnon, randé,
Bouké mo té bay to,
La kanmougé la,
Randé, Gnongnon, randé. »

Pourquoi «  Ago  » en début de chant ?

Dans la langue créole, et scandé, avant de débuter tout chant de Kanmougé est énoncé le mot « Ago » qui a la même signification que dans la langue Fon, Fongbe du Bénin (ex-Dahomey) : « Agoò » qui veut dire « Pardon ! » ou qui peut aussi être traduit par : « Laissez passer ! » ou « Peut-on passer ? » d'où la réponse : « Entrez ! » (« Antré ! » en créole).
S’en suit une introduction chantée, qui peut être plus ou moins longue, selon qu’il s’agisse d’un Kanmougé ‘classique’ ou d’un Mayouri, c’est-à-dire un chant de travail.

Exemple d’introduction d’un Mayouri, chanté sur le rythme du Kanmougé:

Chant Kanmougé type


Soliste :
Chœur :
Soliste :
Chœur :

Soliste :


Chœur :
Soliste :



Chœur :
Soliste :



Chœur :
Soliste :









Soliste :
Chœur :
Soliste :

Chœur :

Ago !
Antré !
Jozéfin o é é, lésé Rémi pozé (ou kozé)
A é é é o o roulé tanbou a roulé
(ou A é é é o o koulé danbwa koulé)
Mo té ka travay Laédamour
Travay mo ka travay
Sabré mo ka sabré
Hum hum hum hum
Mo té kouché é é
Wi a mo boukan
Mo fè oun rèv-o
Lalin ka kléré
Hum hum hum hum
Mo té kouché é é
Wi a mo boukan
Mo fè oun rèv-o
Lalin ka lévé
Hum hum hum hum
Lò wonm maryé palé
Fo fanm kouté
Lò fanm maryé palé
Fo wonm kouté
Idenm pou nou tout »
[Puis début du chant].

De même, les chants de Kanmougé se terminent toujours par une conclusion ayant une structure similaire à celle qui suit:

Ago !
Antré !
Jozéfin o é é, lésé Rémi pozé (ou « tanbou a pozé »)
(ou encore « Jozéfin o é é, mo ka zingé atò a »)
A é é é o o roulé tanbou a roulé
(ou A é é é o o koulé danbwa koulé - A é é é o o lésé tanbou a pozé).

Les chanteurs demandant aux tambours et aux tanbouyen de se reposer ou de cesser de jouer.

Un rythme d'énergie
Le Kanmougé était le rythme des travaux de force et est encore celui de l’énergie.
En effet, le rythme et les chants du Kanmougé étaient beaucoup utilisés lors des mayouri. Le mayouri n’est autre que le travail en commun, solidaire. Il s’agit d’un mot d’origine amérindienne, pour exprimer la solidarité entre parents, voisins, habitants d’une même localité pour effectuer un travail déterminé en commun, généralement les travaux des champs.

mayouri-KanmougeLe Kanmougé, plus précisément les chants repris dans le Kanmougé, étaient encore utilisés lorsque les hommes maniaient les haches pour abattre les gros arbres, ou encore lorsqu’ils pagayaient avec ardeur pour remonter les criques, les rivières et les fleuves, tel que cela est décrit dans le roman Atipa, sans oublier lorsqu’il fallait tirer les canots hors de l’eau après la journée de pêche (Ralé mo kannon).
Danse Kanmougwé mimant les travaux de « bati » lors d’un « mayouri ».

Aujourd’hui encore pour jouer un bon Kanmougé il faut des tanbouyen aguerris, énergiques, pour tenir le rythme soutenu impulsé par les chants du ou de la chanteuse soliste. Et il requiert bien plus d’énergie encore, s’il est joué sur les « Tanbou Kanmougé » ou Yongwé.

Les instruments : Yongwé mal ké fimèl
Les tanbours pour jouer le rythme Kanmougé sont spécifiques.

Yongwé malYongwé fimèlLe rythme se joue avec une paire de tambours. On dit « Yongwé mal » (mâle), pour le plus grand et « Yongwé fimèl » (femelle) pour le plus court. Mais plus généralement ils sont appelés « Tanbou Kanmougé » (Kamougé ou Kanmougwé selon la sensibilité de chacun).
Gauche: Yongwé fimèl
(Photos DVD « Les danses traditionnelles Créoles Guyanaises au tambour »)

Droite: Yongwé mal et bwa (baguettes) du Tibwa posées dessus

Ces instruments ne sont pas utilisés dans les six autres rythmes traditionnels guyanais. On peu néanmoins les retrouver dans le rythme ancien appelé « Djouba », qui est en fait la combinaison de deux rythmes : le Grajé et le Kanmougé.

Ces instruments sont bien sûr utilisés pour la danse du Kanmougé, mais aussi pour celle appelée « dansé mayouri » qui mime les scènes d’un mayouri (sabré, kwak…).

Les Yongwé sont des tambours monoxyles, c’est-à-dire taillés dans un tronc d’arbre, d’une seule pièce, évidés, ou faits d’un tronc d’arbre creux, l’une des extrémités étant recouverte d’une peau. Ce peut être un tronc de palétuvier (pativyé en créole) — arbres qui ont tendance à se creuser, s’évider naturellement à mesure qu’ils vieillissent — mais toute autre espèce d’arbre dont la circonférence serait suffisante pour en faire un tambour, peut être utilisée. La forme est dite tronconique, c'est dire plus minces à la base et plus larges dans la partie où se fixe la peau.

Le son du Yongwé

Le son produit par les Yongwé est évidemment différent de celui des tambours Kasékò. Cela est dû à sa longueur, son diamètre et la membrane utilisée. Le son peut être très sec et par ailleurs sourd et profond à cause de la peau épaisse et la longueur du fût. L’oreille habitué aux « Tanbou Kasékò » peut-être dérouté, mais cette différence fait sa beautée.

Les YongwéLe « Yongwé mal » peut faire jusqu’à 1 mètre 80 de long, pour un diamètre de plus d’une trentaine de centimètres à sa sortie, c’est-à-dire à l’endroit où se fixe la peau, alors que le « Yongwé fimèl » atteint 1,50 à 1,60 mètres, pour un diamètre de moins d’une trentaine de centimètres à sa sortie. Ils sont tous deux recouverts d’une peau épaisse, le plus souvent la peau de « bich rouj » (Mazama Americana, petit cervidé commun d’Amazonie), maintenue par quatre à cinq chevilles de bois cylindriques appelées « zòrè » (oreille en créole) qui sont fichées dans des trous d'égal diamètre pratiqués dans le corps du tambour, à une vingtaine de centimètres du bord.
Ces tambours se jouent posés au sol, les tanbouyen s’asseyant à califourchon, un sur chaque tambour.

Photo: Debout, Yongwé mal à gauche, et Yongwé fimèl à droite.
Au sol, Yongwé fimèl à gauche, sans peau, et à droite Yongwé mal.

Tanbouyen kanmougéÀ savoir
E
n Guyane on ne s’assoit pas sur les tambours sauf sur les tambours Yongwé !
Par ailleurs, tout comme l'ancien tambour « Ka » guyanais ou les tambourins du Grajé, la peau du Yongwé est chauffée pour qu'elle soit tendue avant d'être joué.


Tanbouyen assis sur les Yongwé (mal à gauche et femlle à droite et tibwa au fond
(Photo: DVD « Les danses traditionnelles Créoles Guyanaises au tambour »)








Ti-kann bouléTrio musiciens Kanmougwé

Pour marquer le tempo, le Tibwa du Kanmougé, était à l’origine, à même le fût, joué à l’arrière des deux Yongwé, avec un bâton assez long appelé « Ti-kann boulé » (« petite canne brûlée », car passé au feu pour le rendre plus résistant) frappé simultanément sur les deux tambours placés côte à côte au sol.

(Photo à droite) Ici le Ti-kann boulé est joué à l'arrière des deux tambours


Tanbouyen KanmougwéMais aujourd’hui le « Ti-kann boulé » est rarement utilisé et a été remplacé par les baguettes, ou bwa, du Tibwa, que le batteur, ou Bwatyé, frappe simultanément à l’arrière du Yongwé mal, ou plus généralement qu’il frappe sur un petit banc conçu à cet effet, appelé « kès tibwa », utilisé dans la plupart des autres rythmes traditionnels guyanais.

À défaut de Yongwé, on peut jouer le Kanmougé avec les tambours du Kasékò.
On doit alors, au contraire des autres rythmes, jouer l’accompagnement avec le « Tanbou Foulé », voire même avec le plus petit des tambours, le « Tanbou Koupé », et jouer les improvisations ou les solos, avec le plus gros de ces tambours, le « Tanbou Plonbé ».

« A mal a ki ka palé »

Le tambour pour le solo dans le kanmougwé déroge de tous les rythmes traditionnels guyanais.
Le « Yongwé mal » (mâle) est plus large et plus long que le « Yongwé fimèl » (femelle) et a donc un son plus grave. Pour autant c’est le « Yongwé mal » qui sert aux improvisations ou solos, tandis que le « Yongwé fimèl » fait l’accompagnement. On dit en la circonstance : « A mal a ki ka palé ».

Le rythme
Ralé mo kannonComme dit plus haut le rythme serait d'origine « Bantu » et traduit un « Pelekete » et un « Pakundung ». Cenpendant en Guyane les anciens traduisent « le parler » des tambours autrement. En effet, certains disent que le « Yongwé fimèl » se plaindrait et répéterait à tue-tête: « Mo-ké-mouri, mo-ké-mouri, mo-ké-mouri, mo-ké-mouri, mo-ké-mouri… » D’autres entendront plutôt « Tranpé-kwak, tranpé-kwak, tranpé-kwak, tranpé-kwak, tranpé-kwak… » (Il s'agit aussi de procédé mnémotechnique pour l'apprentissage). Les anciens disaient : « Tanbou a ka kabligidim », c’est-à-dire que « le tambour fait ka-bli-gi-dim ».

Mo

mou

ri

 

Mo

mou

ri

Droite

Gauche

Droite

Droite

Droite

Gauche

Droite

Droite

Une mesure

Une autre mesure

Si droitier, inverse pour gaucher.

 


Ka

bli

gi

dim

 

Ka

bli

gi

dim

Droite

Gauche

Droite

Droite

Droite

Gauche

Droite

Droite

Une mesure

Une autre mesure

Si droitier, inverse pour gaucher.

 


Tran

 

kwak

Deux mains simultanément

Deux mains simultanément

Une main droite ou gauche

○ ○
○ ○

Une mesure

Le foulé « Tranpé kwak » ne se joue que sur le tambour Yongwé Fimèl

C’est le foulé du Kanmougé, le rythme joué en continu, uniquement sur le « Yongwé fimèl », dont il existe une variante.
De manière moins académique, au lieu de doubler la frappe de la même main, à la fin de la mesure, on peut aussi faire alterner main droite et main gauche (technique utilisée surtout pour reposer les bras) :

Mo

mou

ri

Droite

Gauche

Droite

Gauche

Une mesure

 

 

Yongwé mal fimèl ti-kann bouléAlors qu’un tambourinaire (tanbouyen) va foulé sur le tambour femelle, un autre va plonbé, (jouer les improvisations) sur le tambour mâle.
Toujours, en faisant appel à son imagination, on peut entendre le « Yongwé mal » parlé lui aussi. On peut d’ailleurs donner une interprétation à ses phrases musicales. Il s’agit là encore d’un procédé mnémotechnique que les anciens transmettaient aux apprenants, pour les aider à retenir les phrases lors de leurs improvisations, ou solos. Par exemple en réponse à la femelle qui se plaint en permanence « mo ké mouri » (je vais mourir), le mâle semble lui répondre : « Mo-fouben, mo-fouben, mo-fouben, mo-fouben… » (pour « je m’en fou » ou « je m’en moque »…).

Ou encore, les successions de frappes pourraient vouloir dire : « Si-mo-manjé-kalou-mo-ké-dronmi-vant-anba, vant-an-ba, vant-anba… » (« Si je mange du kalou (gombo) j’irai dormir sur le ventre »).

Les phrases musicales jouées sur le tambour mâle, s’effectuent toujours sur quatre mesures, et se concluent par un « slap », c’est-à-dire un son claqué, ou encore par un ou plusieurs sons graves (de un à quatre).

On fait la différence entre le phrasé de l’Oyapock et ceux d’autres parties de la Guyane. En effet, les phrasés musicales du jeu oyapockois sont toujours ponctuées d’un seul son claqué ou d’un seul son grave, alors que ceux de Cayenne, par exemple, de deux, trois, voire quatre sons graves.

DahliaPour produire le son claqué sur le « Yongwé mal », les anciens appuyaient un de leur talon sur la peau du Yongwé, et la frappaient d’un coup sec d’une main. « Yé ka talonnen » dit-on en créole. Ils procédaient de la même façon pour produire le son « moufté » (c’est-à-dire un son grave étouffé) avec le talon ou avec la paume de la main. Il existe aussi un son chuintant que l’on réalise, en effectuant une frappe glissée, toujours avec la paume de la main, mais sans utiliser le talon.
Photo: Dahlia, l’un des rares groupes à faire usage du Yongwé et du ti-kann boulé pour leur kanmougé.
Ici M. Horace Grégoire, un dòkò, qui fait « parler » son Yongwé mal.

Quelques dòkò, détenteurs du savoir, et de surcroît, excellents tanbouyen, peuvent encore montrer l’étendue de leur maîtrise et savent encore faire parler les tambours Yongwé. Mais malheureusement, ils ne sont visibles que lors de trop rares prestations de groupes traditionnels.

Kamougé Lauriers RoseComme dit précédemment, quand le Kanmougé est joué avec les tambours du Kasékò, on doit jouer l’accompagnement avec le Tanbou Foulé, ou même avec le Tanbou Koupé, et jouer les improvisations ou les solos, avec le plus gros de ces tambours, le Tanbou Plonbé.
Groupe Lauriers Rose en Guyane effectuant un Kanmougé « modernisé ».

Le foulé ou accompagnement, se joue ainsi :

 

 

 

D

G

D

D

D

G

D

D

D

G

D

D

D

G

D

D

D = main droite / G = main gauche / ο = son aigu / ● = son grave

Une mesure si droitier, inverse pour gaucher.

Il existe une variante à ce foulé, mais qui n’est pas reconnue de tous les dòkò.

 

 

 

D

G

D

G

D

D

G

D

G

D

D

G

D

G

D

 

D

G

D

G

D


Ou encore...

 

 

 

D G D G D   D G D G D   D G D G D   D G D
Une mesure si droitier, inverse pour gaucher.

 

Mythe ?

tanbouyen anvanIl se dit des choses sur les Yongwé, il parait en effet que : 
- Au temps où les fusils n’étaient pas accessibles, le Yongwé était l’instrument de communication entre « habitations » car il portait très loin dans la nuit en forêt et au bord de fleuve afin d’annoncer naissance, décès, présence de colons…
- Ce seraient des instruments de cérémonies voir de rituels des premiers Afro-Guyanais.
- Ils étaient superstitieusement mis en hauteur après usage.

Source image : « Cahier pédagogique et culturel » de l’Association Akadémi Tanbou Kréyòl Lagwiyann

 

Similitudes avec d'autres cultures

Trois singularités du Kamougé Guyanais se retrouvent chez d’autres peuples :
- Une paire de tambours très longs généralement de forme tronconique.
- Les tambours sont allongés sur le sol et le tambourinaire chevauche l'instrument.
- Une rythmique assurée par percussion jouée avec des baguettes à l’arrière du fût des tambours.

Vous verrez qu’il existe des variantes mais ces trois singularités sont présentes.

Martinique : Le Kannigwé

Une des danses du Bèlè de la Martinique s'appelle le Kannigwé (ou Kanigwé). Le Bèlè étant l’art regroupant la musique au tambour, les chants et les danses Afro-Martiniquaises. On peut noter la similitude des termes Kanmougwé et Kannigwé ce qui pourrait indiquer une origine commune, tout du moins de par leur consonance.

Sur le site Internet Kanigwe.fr on trouve cette définition du mot « Kannigwé » : « Kannigwé, sé an pawòl Lafrik. Sans li sé Tanbou Nèg. Men sé osi non an dansé Lali'n klè. »
Autrement dit, 'Le Kanigwé est un terme d'Afrique, une musique prope au noir et c'est aussi une danse traditionnelle martiniquaise', ce qu'évoque le l'expression « Lali'n klè » (clair de lune). On pourrait en dire autant du Kanmougwé guyanais !

KanigwéIl y a d'autres similitudes entre le Kanmougwé et le Kannigwé:
- Les tambour se jouent par paire, posés au sol.
- Les musiciens s’asseyent à cheval sur leurs instruments.
- La pulsation rythmique est fournie avec deux baguettes ou tibwa, frappé sur le fût du tambour (en Martinique il y a deux joueurs de tibwa).
- Les danseurs d’un côté et danseuses de l’autre sont face à face surdeux lignes, ils avancent puis reculent, se croisent, font des demi-tours… (cette chorégraphie est aussi pratiqué par des groupes guyanais). Mais contrairement au Kannigwé, le Kanmougwé n’est pas une danse aucommandement.
Soirée martiniquaise avec « Tanbou Bélé » pour un Kannigwé.
On constate certaines similitudes avec le Kanmougé Guyanais,
mais les tambours sont plus courts et il y a deux joueurs de Ti-bwa.

Afrique : Le tambour Enzeko chez les PygméesEnzeko Pygmée

On trouve encore aujourd'hui des instruments similaires chez des Pygmées Aka au Nord du Congo-Brazzaville et le Sud-ouest de la République Centrafricaine. Les chants polyphoniques des Pygmées Aka sont généralement accompagnés par divers instruments notament les tambours Enzeko.

Les tambours Enzeko ont une forme tronconique et sont moins longs que les Yongwé. Il se jouent aussi par paire posés au sol, l'un servira à jouer l’ostinato, le rythme en continu, et l'autre servira aux improvisations, ou solos. Tout comme dans le Kanmougwé un percussionniste va jouer un « Tibwa » sur le fût d’un des tambours pour marquer le tempo.

Brésil : Le Batuque avec le Macacos

MacacosUn autre type de tambour apparenté aux tambours du Kanmougé, se trouve juste de l’autre côté de la frontière, c’est-à-dire du fleuve Oyapock, au Brésil. Il s’agit des tambours utilisés dans le Batuque. Le Batuque est l’une des rares manifestations de musique, de danses et de chants traditionnels propres à la culture Afro-Brésilienne de l’Amapá. Il a été conservé par les habitants du quilombo de Curiaú, et est un symbole de la lutte pour la liberté menée par les ancêtres Africains et Afro-Brésiliens des actuels habitants de la région. C’est aussi et surtout une manifestation religieuse en l’honneur des différents saints des communautés, et en particulier de San Joaquin.

MacacosQuilombo est un nom commun d’origine Brésilienne, qui qualifie les réfugiés esclaves ou descendants d'esclaves dont les ancêtres ont fui les plantations de canne à sucre pendant l'esclavage, qui eut cours au Brésil de 1532 à 1888 (13 mai 1888, abolition de l’esclavage). Ils ont fini par former de petits villages appelés baraques. Au Brésil, il y a plus de deux mille communautés « Quilombolas », 30 d'entre elles sont en Amapá, mais plus de 50 collectivités se reconnaissent comme étant des sociétés issues du « marronnage ».

Le Batuque est dansé au son de deux tambours longs (mais plus courts que les tambours Yongwé), appelés « macacos», c’est-à-dire « singes », taillés chacun dans un tronc d’arbre, et accompagnés de tambourins. Les batteurs s’asseyent sur leurs instruments, préalablement disposés sur un support en bois d’acajú.

Comme dans le Kanmougé, chaque tambour a une fonction précise, mais contrairement au rythme Créole Guyanais, le plus large des deux tambours « macacos» appelé « amassador » jouera l’accompagnement et le plus petit des deux ou « repinicador » permettra au soliste de faire ses improvisations.

MacacosLes chanteurs, les joueurs de tambours et de tambourins se réunissent au centre de la salle, et se mettent à chanter et à jouer de concert. Tout le monde peut participer à la danse. Les cavaliers effectuent des changements de direction rapides, alors que les danseuses, relevant leurs jupes ou leurs robes colorées, tournent sur elles-mêmes, toujours dans le sens opposé des aiguilles d’une montre.
Le Batuque ressemble à s’y méprendre à un rythme tombé en désuétude, longtemps joué en Guyane, à savoir le Djouba. Il réunissait à la fois les instruments spécifiques du Grajé, les tambourins, et les tambours du Kanmougé, les Yongwé.

Venezuela : Le Cumaco

CumacosD’autres tambours proches des Yongwé de la Guyane, ce sont les tambours Cumacos du Venezuela.
Le cumaco est probablement le tambour le plus largement distribué au Venezuela, en particulier dans la zone ouest de Barlovento; la région qui va de la côte à l'arrière-pays de l'état de Carabobo.
À la lumière de certaines recherches, « cumaco » serait dérivé d’un mot Karib qui voudrait dire « esclaves ». Cette théorie serait confirmée par le fait que ces tambours existaient déjà dans certaines des plus anciennes plantations peuplées d’esclaves Africains, le long de la côte vénézuélienne.

CumacoLe plus souvent, les cumacos sont fabriqués à partir du tronc d’avocatier. La peau - de préférence de cerf - est attachée avec des cordes ou fixée avec des clous pour recouvrir une des extrémités du tambour (qui peut mesurer jusqu'à plus de 2 mètres). Les cumacos, sont posés parallèlement sur le sol, chaque joueur s’asseyant sur le corps de son tambour. Il peut y en avoir deux, ou plus. Mais il arrive qu’un joueur joue sur deux cumacos simultanément, généralement un plus large qui produit un son plus grave, et un moins large pour rechercher un son médium. Derrière lui, un ou plusieurs percussionnistes - les paliteros – qui, pour marquer la pulsation rythmique, vont frapper en rythme sur le fût d’un des autres tambours, avec des bâtons appelés laures.

CumacoLes tambours sont réglés de façon plus ou moins intuitive: si le son ne convient pas, on allume un feu pour chauffer la peau, jusqu'à ce qu’elle se tende à nouveau, et émette le son recherché par le tambourinaire. Comme pour le Yongé mal, Le cumaco se joue avec les deux mains, mais le talon du pied peut également être utilisé pour presser la peau et ainsi faire varier le son de l’instrument.
Un joueur de cumaco s’appelle un cumaquero.
Les cumacos sont au cœur de l’identité Afro-vénézuélienne, de cette région du pays.

 

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