Le Kaladja
CI DESSOUS un chant traditionnel très connu des Guyanais, mais qui malheureusement, est aussi le seul chant de Kaladja qui nous soit resté :
Chanté Kaladja (*Réfren 1) (Réfren 2) Mo di madanm mo jipon déchiré Non non non mo pa k’alé Mo di madanm mo chimiz déchiré Non non non mo pa k’alé (Réfren 1) (Réfren 2) Mo di madanm mo jipon déchiré Traduction : J’ai dit: " Madame, mon jupon est déchiré " |
Le Kaladja aux Antilles
Le Kaladja de la Guyane, n’est pas à confondre avec la Kaladja de la Guadeloupe ou encore avec le Ladja de la Martinique.
Le vocable " Kaladja " (anciennement orthographié " kalaghia, callaghia ") est largement usité en Guadeloupe, ou il fait référence à l’un des sept rythmes du Gwoka, qui est la forme musicale, à base de tambours essentiellement, constituée d’un ensemble de rythmes dechants et de danses précis. En Guadeloupe le Kaladja est " un rythme lent qui exprime avant tout une certaine douleur morale, une idée de tristesse " (Diadyéé de Joslen Gabali).
Le " Ladja " de la Martinique (autrement orthographié " Ladjia ou Laghya ") est une danse de lutte, ou plutôt " une lutte dansée (comme la Capoeira au Brésil, ou encore le Moringue (Moring) ou Croche, à la Réunion) qui met à l’épreuve deux hommes robustes rivalisant de souplesse et d’agilité. Soutenus par le tambour, les tibwa, un soliste et un chœur vocal, les danseurs miment une lutte en fonction des commandements du tambour " (La grande Encyclopédie de la Caraïbe, vol. 10). Le Ladja est aussi connu sous le nom " Damyé ou Danmyé ".
Étymologie, "Ladja" une affaire de lutte
Selon certaines sources, le mot " Ladja " serait la déformation des mots espagnols " lucha " qui signifie " lutte, ou " lidia " qui signifie " course [ou lutte] de taureaux ".
Le mot " Ladja " est cité dans l'ouvrage de Cheick Antha Diop " Nations nègres et culture " (tome 2), où il précise que le terme " Lag-ya " est mentionné dans la langue Wolof du Sénégal. " Lag " désignant " la chevalerie " et " ya " " l'histoire " ; " lag-ya " serait donc " l'histoire de la chevalerie " sénégalaise.
Pour la musicologue Martiniquais Sully Cally, " Ladja " viendrait d' " Agia " qui, chez les Bantous, désigne l'action de " hacher menu ". Il s'agirait d'un terme employé en dialecte Mina pour encourager deux lutteurs.
Dans son ouvrage " Le ladjia - Origine et pratiques ", Josy Michalon fait remonter le nom Ladja à la lutte Kadjia du peuple Basantché du nord du Dahomey, actuel Bénin. Remarquons que le nom " Kadjia " est très proche du vocable " Kaladja ".
Il est tout aussi intéressant de noter que Auxence Contout, dans son livre Le Parler Guyanais, fait référence au mot " laguia ou ladja " comme étant une " danse locale ", au même titre que la " guiambel ou djambel ". Et celui-ci de rajouter : " Quant au Ladia, cette lutte de souplesse entre 2 hommes, sa mesure exacte nous est donnée par un disque guyanais de Paul Tikita. "
Le Kalenda aurait donné le Kaladja puis le Kasékò Pour ce qui est l’origine du nom, apportée par d’autres chercheurs guyanais, " Kaladja " viendrait de " Calenda ou Kalenda ". Il en serait en fait une forme édulcorée dans ses figures pour l’usage des salons bourgeois. D’ailleurs dans le roman Atipa d’Alfred Parépou, on parle de " Canida " ou " Calladia ". Par un procédé de phonétique on serait donc passé de " Calenda " à " Canida ", et encore de " Calenda " à " Calladia ". En Guadeloupe, les mots " Kannida " [ou Kanida] et " Kalenda " sont considérés comme des synonymes, " Kannida " en étant la forme vieillie. Rappelons que vers la fin du XIXème siècle, la danse populaire " Kalenda " (pouvant aussi être orthographiée ‘Kalennda’) a disparu sous ce nom, et a été renommée " Kasékò ". |
Le Kaladja guyanais, une combinaison de deux rythmes
Le Kaladja n’est pas un rythme, mais plutôt une combinaison de deux rythmes.
Michel Lohier l’a décrit comme étant " une danse sautillante qui tient entre le gragé et le cassé-cô ".
Auxence Contout en parle comme d’ "une danse sautillante formée d’un mélange de gragé et de cassé-cô. Cette bouillabaisse musicale provoque l’hilarité de la salle car on se tord de rire devant les batteurs qui s’ingénient à accorder leurs tambours : 3 pas, 2 pas, 3 pas, 2 pas, avec une mesure incomplète qui se termine par un geste du musicien. "
Le Kaladja se joue en combinant le rythme du Grajé au rythme du Kasékò.
Un Kaladja nécessite donc la batterie complète des tanbou Kasékò, à savoir le " tanbou Foulé ", le " tanbou Koupé ou Dékoupé " et le " tanbou Plonbé " (sans oublier le tibwa) sur lesquels les tanbouyen joueront le rythme Kasékò. À ceux-ci s’associaient un ou plusieurs tanbouyen, qui eux, sur leur tambourins [tanbouren ou srèk tanbou (tambours sur cadre)] entamaient un foulé (rythme) Grajé.
Mais, aujourd’hui il est devenu très rare de voir les groupes folkloriques jouer au Kaladja sur les tambourins. Généralement, on rajoute simplement à la batterie Kasékò, un tanbou foulé, que le tanbouyen garde en position latérale sur ses cuisses, et sur lequel il joue le rythme du Grajé.
Foulé Kasékò | ||||||||
● | ● | ● | ○ | ○ | ● | ● | ○ | (● = son grave ; ○ = son aigu) |
G | D | G | D | G | D | G | D | (D = main droite ; G = main gauche) |
Foulé Grajé | |||
○ | ○ | ● | (● = son grave ; ○ = son aigu) |
D | D | D | (D = main droite ; G = main gauche) |
La danse
La danse Kaladja, tombée en désuétude, a été remise à l’honneur par le groupe folklorique Wapa, et elle est aujourd’hui connue et dansée par la quasi-totalité des groupes traditionnels guyanais.
Dans son ouvrage Musiques et Danses Créoles au tambour de la Guyane Française, madame Monique Blérald nous décrit la danse :
" Pour le Kaladja, les danseurs sont rangés en file indienne (une fille/ un garçon en alternance). Ils exécutent les mêmes pas. Lors du couplet, ils restent les uns aux côtés des autres. Cependant aux refrains, les filles quittent la file et s’avancent ; les garçons les suivent. "
Le pas de base lors du couplet est celui du Grajé, on glisse la plante du pied vers l’avant, un pied après l’autre. Cependant, il ne s’agit pas du Grajé simple, mais plutôt du Grajé roumen bien accentué. Le corps est " cambré " c’est-à-dire légèrement penché sur le côté. Le bassin doit être flexible souple.
Comme pour le Grajé, lors du couplet, le mouvement des bras repose sur un balancement en alternance de bas en haut et de haut en bas, de chaque bras.
Lors du refrain le pas de base est le même pour les danseurs et les danseuses. Ils effectuent des ti pa fronmi, (des petits pas de fourmis), et avancent ainsi en se déhanchant, les garçons derrière les filles.
Lors du refrain, les danseuses exécutent un mouvement de pédalage avec leurs bras, tandis que les cavaliers ont les deux mains croisées derrière la nuque.
La tenue
Ròb Gòl courte pour les dames, chemise plastronnée fleurie ou à carreaux et pantalon bleu pour les hommes.
Source photo: La Grande Encyclopédie de la Caraïbe, vol.10