Le Moulala glisé

 

 

DANS le courant des années 80, le groupe folklorique Wapa popularisait un rythme, un chant et une danse, tombés en désuétude : le Moulala Glisé (glisé = glissé). Mais aujourd’hui encore, les Guyanais ne savent trop, si le Moulala Glisé est un rythme local. Nombreux sont ceux qui vont encore jusqu’à ignorer son existence. Les tanbouyen et les gens de la tradition eux-mêmes, ne sont pas clairs sur ses origines, et d’ailleurs ne le pratiquent pas tous. Seule la danse reste la même chez les groupes qui l’exécutent.

Le Moulala glisé et le Moulala siwo sont différents

Dans son ouvrage, Le Parler guyanais , à la rubrique Débô et Moulala Glisé , voilà comment Auxence Contout présente cette danse : " Dans le moulala, les exécutants se placent comme dans le lérôl. Lorsqu’ils ont fini de faire leurs nikas en face de leurs dames, les cavaliers entendent une danseuse crier : glissé ! A ce moment un premier couple se glisse au milieu des autres couples et se met à danser au  centre. Puis il sort et laisse la place à un autre couple qui se glisse au milieu et ainsi de suite… Ce moulala guyanais est le moulala glisé. "

Effectivement le Moulala glisé n’est pas à confondre au Moulala siwo.
À l’intérieur du Débò(t) il peut être interprété un chant qui s’intitule " Moulala ". C’est le " Moulala siwo " (siwo = sirop) lui originaire de Sainte-Lucie, et qui n’est autre qu’un Débò(t). Dans le Patois guyanais, toujours d’Auxence Contout, le moulala sirop est strictement anglais " (anglais c'est-à-dire saint-lucien), alors que le Moulala glisé ", lui, est " intrinsèquement guyanais, [et] n’a aucune ressemblance avec le moulala sirop ".

Le Moulala de Sainte-Lucie

Dans l’étude  A Study of the music of selected traditional folk dances of St. Lucia, par Jason C. Joseph de l’Université des West Indies (UWI), le Moulala de Sainte-Lucie est présenté comme étant un rythme modéré à quatre temps joué sur des instruments mélodiques (guitare, banjo, violon), accompagné d’idiophone (" chak-chak ") et de membraphone (" tanbou ").

Il existe deux types de Moulala : le " Moulala yonn dé " et le " Moulala yonn dé twa " ou " Moulala twa fasad ", ce dernier étant moins connu que le précédent et dansé uniquement dans une commune de l’île, à Morne-Repos, dans le sud. On ne connaît pas d’équivalent européen au " Moulala twa fasad " mais il ressemble à une autre danse de Sainte-Lucie appelée " Weedowa ".

Dans la danse, le cavalier tend sa jambe sur le côté et touche le sol avec son talon, puis la ramène et touche à nouveau le sol avec ses orteils, répétant ce mouvement à trois reprises avant de faire trois petits pas et de reproduire le mouvement avec l’autre jambe. Il s’agit d’une suite de piquers talon-orteil-talon-orteil-talon-orteil - petit pas-petit pas-petit pas – piquers talon-orteil-talon-orteil-talon-orteil - petit pas-petit pas-petit pas, et ainsi de suite.

Dans le Moulala il n’y a qu’un seul refrain qui est répété dans tout au long de la pièce musicale, avec quelques variations et improvisations des musiciens.

Dans les chants, les couplets et les refrains se répètent sur les mêmes accords que le chak-chak  (idiophone de type hochet, c’est un cylindre en métal remplis de graines, une sorte de maracas, de chacha, fait à partir d’une bombe d’aérosol.)

Deux types de Moulala à Sainte-Lucie

Comme dit précédemment, il y a à Sainte-Lucie deux types de Moulala.
Dans le premier, le Moulala yonn dé le chak-chak impulse un rythme à cinq temps.
Le deuxième, Moulala yonn dé twa ou Moulala twa fasad, se joue sur un rythme à sept temps, avec une pause sur le huitième temps.

A Sainte-Lucie non plus, on ne connait pas les origines du Moulala, mais c’est certainement un rythme et une danse qui ont vu le jour sur place. Il y a néanmoins quelques similitudes entre le mouvement piquer talon-orteil du Moulala et le piquer talon-orteil de la Polka. Le Moulala est singulier dans sa forme rythmique et n’a pas d’équivalent locaux. Il semble être né du mélange des influences africaines et européennes présentes sur l’île, influences qui se ressentent aussi bien dans certains aspects du rythme que de la danse qui lui sont propres.

Similitudes et emprunts

Dans la description faite du Moulala de Sainte-Lucie, nous pouvons noter de nombreuses similitudes entre les danses de l’île et celle de la Guyane. Le piquer talon-orteil du Moulala twa fasad est un des pas que l’on retrouve dans la danse du Débò(t).La chanson, là aussi de Débò(t), Moulala roun (oun), dé, trwa n’est autre que l’adaptation en Créole guyanais du nom Créole saint-lucien " Moulala yonn dé twa ".

Le Moulala de Guyane ou Moulala glisé

Incontestablement, le Moulala glisé est originaire de Sainte-Lucie. Dans son livre Musique et danses créoles au tambour de la Guyane Française, Madame Monique Blérald-Ndagano, précise que " cette danse était, semble-t-il, pratiquée également dans les placers. Vive, alerte, elle traduit la joie de vivre et la gaieté des orpailleurs. Ce qui signifie que cette danse est très récente sur le sol guyanais (début du XXème siècle)."

Par voie de fait, le Moulala Glisé, est tout comme le Débò(t), intimement lié à l’histoire de l’orpaillage et des Saint-Luciens en Guyane.

Mais une des différences majeures est, qu’en Guyane, il est joué uniquement par les ensembles aux tambours et tibwa. Historiquement cela s’explique peut être par l’absence d’autres instruments sur les placers (mines d’or), ou plutôt par l’omniprésence des tambours sur les lieux de vie.

La Danse

Le Moulala pratiqué par les Saint-Luciens serait, selon eux, une réinterprétation  du quadrille anglais, rythmé par divers commandements : " premyé madanm k‘alé an vizit ; dézyèm madanm k’alé an vizit ; twazyèm madanm k’alé an vizit… ".

On retrouve ces mêmes commandements dans le Moulala de Guyane, Moulala glisé. Il en va de même des pas de danse, puisque l’un a emprunté certains pas et certaines figures à l’autre.

Le positionnement des danseurs et danseuses lors de la danse est donc le suivant.

Cinq danseurs et cinq danseuses sont face à face, sur deux rangées :
Danseurs D D D D D
Danseuses D D D D D
Ordre de passage  1 3 5 4 2  

Au commandement " Pronmyé madanm k’alé an vizit ", les danseurs et danseuses placés à l’une des extrémités de la rangée quittent leurs places repectives, s’avancent au milieu, saluent, puis selon les commandes de la chanson (glisé, soté, dansé ou nika lèkavalyé), ils se dirigeront jusqu’à l’autre bout opposé, à l’intérieur des deux rangées. Ils refont le même parcours en sens inverse, mais à l’extérieur des rangées, en faisant en sorte d’être toujours face à face, en se regardant.  Puis ce sera le commandement " Dézyèm madanm k’alé an vizit ". A ce moment le couple placé à l’extrémité opposée (schéma couple 2) procédera comme le couple précédent, et ainsi de suite, jusqu’au cinquième couple placé au milieu.

Pourquoi dit-on Moulala glisé (glisé = glissé) ?

Pour le comprendre intéressons-nous aux pas de base. Ils sont au nombre de deux.

1. Le danseur effectue des petits pas simples de marche.

2. Le danseur doit faire, en partant de la gauche, un triangle avec ses pieds sur le sol (le pied gauche en alternance avec le pied droit). Dans ce mouvement, il fait légèrement glisser ses pieds au sol, d’où son nom " Moulala glisé ". Ce pas est propre au Moulala de Guyane.

Sans compter qu’il existe un autre pas, le glisé moulala, qui correspond au " pas du boiteux " du Léròl. Il s’effectue ainsi : piquer du talon pour la première jambe en avant, suivi d’un appui sur la jambe arrière pour le déplacement. Le danseur se déplace de gauche à droite ou de droite à gauche.

Madame Monique Blérald-Ndagano, toujours dans, Musique et danses créoles au tambour de la Guyane Française, poursuis les explications des autres pas et figures de la danse :

"" Mouvement des bras
Le mouvement principal est celui qui correspond à l’ouverture et à la fermeture de la jupe ou de la robe devant soi. A l’arrêt du tambour [plus précisément au kasé du tambour koupé], quelque soit la position des bras, le danseur doit arrêter net son mouvement en s’inclinant latéralement. La danseuse veille à ce que les pans de sa jupe soient alors écartés."

" Soté moulala
Il s’agit exactement de sautillements. Le danseur s’arrête cependant au temps forts, c’est à dire au marquage du tambour solo [toujours au kasé du tambour koupé]. ""

Le Moulala glisé, au tambour

Le Moulala glisé se joue sur les tanbou Kasékò, ou tambours du Kasékò. Il faut d’ailleurs adopter la même configuration que lors de celui-ci, c'est-à-dire trois tambours (foulé, koupé, plonbé) et un tibwa.

Le foulé du Moulala glisé, tout comme dans le Moulala yonn dé twa ou Moulala twa fasad, pratiqué à Sainte-Lucie, se joue sur un rythme à sept temps, avec une pause sur le huitième temps. Tous les huit temps, l’accompagnateur, sur son tambour foulé et le soliste, sur son tambour koupé, vont faire entendre un " slap " (dans le langage musical) ou " kasé " en créole, c’est à dire un son sec, que l’on obtient en gardant les doigts d’une main sur la membrane, et en tapant un coup sec de l’autre.
Ces kasé vont marquer les pas des danseurs.

Foulé Moulala glisé
    Ø
D G D G D   D G D G D   D G D G D G D G D D D
Une mesure
D = main droite ; G = main gauche ; ● = son grave ; ○ = son aigu ; Ø = kasé, son sec

Le tambour plonbé accentue les sons graves.

Le tibwa du Moulala glisé se joue comme le foulé
ka tak ka tak ka   ka tak ka tak ka   ka tak ka tak ka tak ka tak ka ka tak
D G D G D   D G D G D   D G D G D G D G D D G
Une mesure
ka = main droite ; tak = main gauche

 


La tenue

La tenue adoptée par les quelques groupes folkloriques pratiquant cette danse est la tenue " jupe " pour les dames ; le pantalon blanc ou bleu, la chemise blanche ou la chemise en madras ou à carreaux pour les cavaliers.

 

 

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