Guyanais ou Créole ?
ON dit machinalement " Créole Guyanais " mais rarement " Guyanais créole ", est-ce important ?
Et puis, pourquoi ne pas dire simplement : " Guyanais ".
En effet, les Haïtiens, Guadeloupéens et Martiniquais ne s'affublent pas d'un préfixe "créole" quand ils parlent d’eux même. Avez-vous déjà entendu : " Je suis un Créole Réunionnais " ?
Alors pourquoi cette spécificité pour l'afro-guyanais issu du même contexte esclavagiste que ces voisins ? Serait-ce en raison de la présence des Amérindiens — peuple premier qui étaient aussi présent aux Cararïbes (les Arawaks et Caribs) — et qui rappellerait aux Guyanais de culture créole qu'ils ne sont pas les plus légitimes pour porter ce titre de "Guyanais" ?
Pourtant, à l'origine, le Guyanais ne jugeait pas utile de préciser "créole" quand il parlait de lui. " Mo sa roun Gwiyanèz " dit la chanson populaire "La mulatresse" et non: " Mo sa roun Kréyòl Gwiyanèz ". En effet, il (elle) n'est pas un Africain et ces traits négroïdes rappellent qu'il n'est pas non plus un Français "caucasien", mais un mélange des deux à la base ; de plus, il possède une culture qui, bien qu’ayant des sources diverses, n'existe que sur un point de la planète, la Guyane. " Je suis Guyanais " c'était donc une évidence et ce péremptoire n’entachait pas une coexistence paisible plusieurs fois centenaire avec les Amérindiens.
Mais voilà, des ethnologues, sociologues et autres ‘logues’ français — qui semblent avoir pour mission de mépriser et affaiblir ces Guyanais endogènes parlant le créole — ont décortiqué la société guyanaise et jugé qu'il fallait distinguer les Guyanais en différents ethnies : Amérindiens, Créole, Bushinengué etc. Le terme "créole" désignerait maintenant une "ethnie" parmi d'autres en Guyane.
Les conséquences (était-ce voulu ?) :
1) Des Guyanais se sentent contraint de préciser qu'ils sont "Créoles", en effet, on semble leur dire qu'ils n'ont pas l'exclusivité guyanaise.
2) Le Guyanais se sent de moins en moins légitime sur sa terre de Guyane. On lui fait comprendre qu'il n'est pas plus guyanais qu'un autre, il devrait donc se faire tout petit. Situation qui ne s'arrange pas puisqu'une masse de migrant et de 'mutés' semblent le supplanter.
Alors soit, il n'y a pas que "le Créole" qui est Guyanais et sa culture n'est pas la seule en Guyane.
Pourtant, un peuple est toujours issu d'un pays dont il porte la culture native, notamment une langue qui lui est propre. Sinon, il s'agit d'un peuple en migration qui apporte sa culture dans un pays.
Alors, quelle est la culture native de la Guyane ?
La Guyane est constituée de nombreux peuples qui ont apporté leurs cultures, y compris les Amérindiens il y aurait quelques millénaires. Mais la culture créole a une particularité: elle est née ou s'est développée sur place — on dit endogène — avec des substrats africains, français et amérindiens (ultérieurement il y aura l'apport d'autres migrants).
Cette culture originelle va certainement subir d'autres influences. Toutefois, pour ce qui est des rythmes fondamentaux aux tambours avec leurs danses et leurs tenues traditionnelles, ils resteront la référence de la culture endogène de Guyane. Si ce n'est pas le cas, il s'agira d'autres choses venues d'ailleurs qui l'auraient altéré voir évincé.
Pour revenir à l'expression : " Créole Guyanais " et " Guyanais créole ", ce n'est pas qu'un style sémantique.
"Guyanais créole" indique d'emblée une origine géographique et par conséquent une légitimité territoriale ; ensuite elle indique une identité culturelle.
L'expression "créole guyanais" par contre devrait être utilisé pour désigner la langue créole parlée, autrement dit 'le créole des Guyanais' par rapport au "créole haïtien", "créole sainte-lucien", "créole Dominiquain" etc.
A la question : Guyanais ou Créole ?
La réponse est simple : Il y a des Guyanais qui s'identifient à la culture et la langue endogène du pays qui est le créole.
D'où vient "Guyane" ? L'origine du mot Guyane est assurément indigène (amérindienne). Il pourrait désigner des cours d'eaux (fleuves) [Wiana ou Guiana], un fruit ou un arbre (palmier) [Ouaï ou Guyaï] commun au Nord de l'Amérique du Sud. De se fait, il pouvait désigner toute une zone géographique, "les Guyanes", qui possédait un ou plusieurs de ces éléments que rencontrèrent les indigènes lors de leurs migrations. Ce mot a pu être le nom d'une tribu amérindienne lié à un de ces éléments naturels précité (les Guayanos). |
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Peuple premier Les amérindiens de Guyane (ils préfèrent le terme " Autochtones ", plus réaliste) sont constitués de six ethnies différentes : Kali’na, Wayana, Teko, Wayampi, Arawak et Palikour. Plutôt Discret dans l’expression de leurs cultures, les autochtones de Guyane voient la nécessité d'être plus visible dans l’espace politico-culturel guyanais. C’est ainsi qu’est né La Fédération des Organisations Autochtones de Guyane (FOAG), et l'ONAG, Organisation des Nations Autochtones de Guyane. Des ‘Journées des peuples autochtones’ sont organisé par la région Guyane chaque année sur la place des palmistes de Cayenne. La représentation d’un chamane (personnage commun aux autochtones) a été inaugurée en 2012 ; il est érigé au rond-point califourchon à Matoury, non loin de l’aéroport Félix Éboué. |
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