Le Débòt

ou

Débò

 

 

LE RYTHME Débò(t) et sa danse sont intimement liés à l’histoire de l’orpaillage et des Saint-Luciens en Guyane. En effet, le Débòt est un des rythmes et une des danses du folklore créole de Sainte-Lucie.

 

Un retour dans le temps

Pépite d'orEn 1855, l’Amérindien Paolino découvre le premier site aurifère sur l’Arataye, un affluent de l'Approuague, un fleuve de l’est du pays. Félix Couy, commissaire commandant le quartier de l'Approuague, obtient officiellement la même année le permis d'explorer les terrains aurifères découverts par Paolino.

Qui était Félix Couy ?
Ancien navigateur, et propriétaire d'une plantation dans le quartier de l'Approuague dont il devient le commissaire.
Il obtient officiellement en 1855 le permis d'explorer les terrains aurifères découverts par Paolino et créa la ruée vers l'or sur l'Arataye.
Il était propriétaire sur l'Arataye du placer " Impératrice Eugénie ".
Félix Couy est assassiné sur son placer de l'Arataye par le réfugié brésilien Païva le 15 octobre 1865.

Qui était Paolino ?                                                      
Paoline ou Joseph Paolino, était un Amérindien d'origine brésilienne, il découvrit pour la première fois en Guyane une importante quantité d'or. Cette découverte se fit sur l'Arataye en juillet 1855.
Félix couy, commissaire commandant le quartier de l'Approuague obtient officiellement la même année le permis d'explorer les terrains aurifères découverts par Paolino.
Paolino meurt à l'hôpital de Cayenne le 19 décembre 1871.
Dans l’Ouest de la colonie, à la même période, de l’or est extrait de la rivière Inini, sur le haut-Maroni.

Ecomusee_Approuague

ST-LucieC'est le début d'une ruée vers l'or qui durera jusqu'au début du XXèmesiècle, jusqu’à laSeconde Guerre mondiale, et qui amènera de nombreux émigrants provenant, pour la grande majorité, des Antilles.
De très nombreux Saint-Luciens vinrent en Guyane chercher fortune, et ce depuis la fin du XIXème siècle. Ils emmenèrent sur les placers (mines d’or) avec eux, leurs musiques et leurs danses. C’est ainsi que le Débòt fit son apparition sur le territoire. Il a été conservé et fait dorénavant parti intégrante de la culture Créole guyanaise.
(Photo exposition Ecomusée à Régina)

 

Signification du nom

En Guyane on le nomme aussi Débò ; " dé-bò " signifie " deux bords " ou " deux côtés " parce que ce rythme privilégie l’alternance de pas ouverts d’un côté et de l’autre. Les gestes accompagnant la danse se font alternativement de chaque côté vers l’extérieur. [Les deux appellations étant usitées et acceptées en Guyane, en conséquence nous le noterons " Débò(t) ".]

Un lien entre le Débòt et le Kasékò

Alors que les chants et les solos qui guident la danse du Débò(t) lui sont propres, on ne peut pas en dire autant du " foulé ", de la base rythmique. En réalité le foulé du Débò(t) est celui du Kasékò. C’est le même ostinato rythmique à 8 notes. Il est toutefois joué plus rapidement.

(● = son grave ; = son aigu)
G D G D G D G D (D = main droite ; G = main gauche)

 

Le tibwa et le plonbé sont eux aussi identiques, et il faut adopter la même configuration que le Kasékò pour jouer le Débò(t), c'est-à-dire trois tambours (foulé, koupé, plonbé) et un tibwa, quelquefois accompagnés d’un chacha.

La différence se ferasur les improvisations. Ils sont reconnaissables à leurs " kasé ". Tous les quatre temps le soliste va faire entendre un son sec (un slap, dans le langage musical) que l’on obtient en gardant les doigts d’une main sur la peau, et en tapant un coup sec de l’autre.
Ces kasé vont marquer les pas des danseurs.

Il existe néanmoins deux phrases de base que connaissent tous bons joueurs de Débò(t).

Elles se jouent ainsi sur le tambour koupé :

Ø
 
Ø
D G D G D ou G G ou D D   D G D D D G D ou G G ou D D
1ère phrase   2ème phrase
(Et inversement si gaucher)
(● = son grave ; = son aigu ; Ø = kasé, son sec)

Ou en variant légèrement:

Ø
 
Ø
D G D G D ou G G ou D D   D G D D D G D ou G G ou D D
1ère phrase   2ème phrase
(Et inversement si gaucher)
(● = son grave ; = son aigu ; Ø = kasé, son sec)

Ces deux phrases de base peuvent être jouées séparément. On peut n’en répéter qu’une.
Par exemple :

Ø
D G D G D ou G G ou D D
(● = son grave ; = son aigu ; Ø = kasé, son sec)

Généralement les tanbouyen solistes les jouent ou s’en inspirent au cours de leurs improvisations. Mais, comme dit précédemment, toutes leurs phrases, y compris les roulé, seront marquées d’un kasé tous les quatre temps.

Des chants au " Lang dévivé "

Bien entendu, sans chants, la musique traditionnelle ne joue pas pleinement sa fonction.
Les chants de  Débò(t) ont une forte connotation sensuelle, voire carrément sexuelle. Originaires de Sainte-Lucie, certains chants ont conservé des mots en créole Saint-Lucien, ainsi que leur double-sens, que les originaires de l’île, appellent " Lang dévivé ", mais cette expression n'est pas utilisée par les guyanais.

Les chants appelant la danse, arrêtons-nous maintenant sur quelques aspects de la danse du Débò(t).

La danse du Débòt

Auxence Contout dans son ouvrage Le Parler guyanais, fait mention de la distinction qui était faite, dans le temps, entre le Débòt saint-lucien et le Débò guyanais. Nous citons : " Composé par les guyanais en guise de réplique au débôte anglais qui envahissait la Guyane, le débô est une danse dont les pas sont marqués des deux côtés (des deux bords d’où ; débô), à gauche et à droite. Le débôte anglais utilise les mouvements du ventre et des genoux pour exécuter ses figures et les accompagne d’enlacements. Le débô guyanais ne connaît ni enlacements ni heurts de ventres. "

RondeDans son ouvrage Musiques et Danses Créoles au tambour de la Guyane Française, madame Monique Blérald précise: " Quoiqu’il en soit, le débòt saint-lucien et le débò guyanais ont des points communs. Les pas de base sont identiques (le pas " pwenté "), ainsi que la formation chorégraphique (une ronde). Le débò se danse en rond : 4 à 5 couples. Puis cette ronde évolue. Les danseurs se retrouvent ensuite face à face. Notons tout de même que certains gestes dans le débò, rappellent ceux des coupeurs de canne. "

Les pas de base du Débòt :

À chaque kasé du tambour koupé, les danseurs reproduiront leur premier mouvement de l’autre côté. Si le premier mouvement ou le premier pas s’est fait sur la droite, le deuxième se fera sur la gauche, si un pas se fait en avant, le suivant se fera en arrière, et ainsi de suite, alternativement de chaque côté du corps.

Le Moulala siwo et le Moulala glisé

À l’intérieur du Débò(t) il peut être interprété un chant qui s’intitule " Moulala ". C’est plus précisément le " Moulala siwo " (siwo = sirop) lui aussi originaire de Sainte-Lucie, qui n’est autre qu’un Débò(t). D’après l’ouvrage d’Auxence Contout, Le Patois guyanais " le moulala sirop est strictement anglais et s’effectue avec tremblement des hanches et des fesses. "

Le Moulala siwo n’est pas à confondre avec le Moulala glisé ", lui " intrinsèquement guyanais ", mais ce dernier ayant certainement emprunté certains pas et certaines figures au premier.


Le Djouba n'est pas un Débòt mais un Kamougé

Une autre confusion est à éviter. Au début des années 80, le groupe WAPA " reconstitua " une danse appelée : " Djouba-Djouba " (avec un chant ayant pour refrain: " A ya ya iya, anké lélé, a ya ya, ya " ). Mais les membres de ce groupe folklorique — ainsi que d’autres groupes, certainement par imitation — le dansent encore aujourd’hui, sur un rythme de Débòt qui va en s’accélérant à mesure que les couplets et les refrains sont répétés.

Il ne s’agit pas là du rythme du Djouba original, rythme et danse anciens, faisant partie de la tradition musicale guyanaise. De nombreux auteurs et folkoristes, pour ne citer que Michel Lohier et Auxence Contout, le mentionnent dans leurs écrits.

" Le Diouba est un camougué qui se danse sur place avec cette différence qu’il est accompagné des tambours du gragé. "Michel Lohier, Les mémoires de Michel.
" Le Diouba est une piquante  pimentade ce camougué et de gragé. […] Ce camougué s’évertue à se faire accompagner des tambours du gragé. " — Auxence Contout, Langues et cultures guyanaises.

Le Djouba est en fait un Kamougé (ou Kanmougwé) qui se fait accompagner de tambourins, ou de tambours, jouant le rythme du Grajé.


La tenue du Débòt

" À l’origine, les orpailleurs quand ils pratiquaient cette danse, portaient leurs vêtements de travail. Mais peu à peu, certains groupes folkloriques, ont adopté la tenue gros bleu qui correspond aussi au costume de travail, plus précisément d’abattis, d’autres ont préféré la gòl courte pour les dames. " Musiques et Danses Créoles au tambour de la Guyane Française — Monique Blérald-Ndagano

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